Une collision géante dans le système Kepler 107 a créé une exoplanète inhabituelle

Pour la première fois, il semble qu’une solide preuve établisse que des collisions géantes, similaires à celle ayant donné naissance au système Terre-Lune, se produisent bien lors de la formation d’exoplanètes. Le satellite Kepler a en effet débusqué autour de l’étoile Kepler 107 une exoplanète anormalement dense par rapport à ses trois sœurs connues dans le même système.

Il y a 50 ans environ, l’arrivée de l’Homo sapiens sur la Lune allait permettre de ramener de nombreux échantillons de roches. Ces derniers se sont montrés bien bavards quant à la composition de notre satellite naturel ainsi que sur son histoire. Ces roches n’ont d’ailleurs pas fini de parler comme le montre l’exemple récent d’une nouvelle analyse d’un échantillon de la mission Apollo 14. Ainsi, dans la foulée des missions lunaires de la NASA, deux chercheurs, William K. Hartmann et Donald R. Davis, ont publié, à ce moment-là, dans le journal Icarus, un article désormais historique. Les deux hommes s’étaient inspirés des travaux concernant la formation des planètes du Système solaire, issus de l’école soviétique conduite par Viktor Safronov. En s’appuyant sur les données cosmochimiques fournies par les missions Apollo et l’analyse des météorites trouvées sur Terre, Hartmann et Davis avaient élaboré rien de moins qu’une théorie concernant l’origine de la Lune. Alastair G.W. Cameron et William R. Ward étaient également arrivés à des conclusions similaires au même moment.

Ainsi, selon ces quatre chercheurs, quelques dizaines de millions d’années après le début de la formation du Système solaire, il y a 4,56 milliards d’années, une petite planète de la taille de Mars et baptisée Théia, en souvenir de la divinité grecque, mère d’Hélios (le Soleil) et de Séléné (la Lune), serait entrée en collision avec la proto-Terre. Les débris de cette collision auraient ensuite donné naissance à la Lune dans le disque formé autour de la jeune Terre. La mécanique céleste nous dit en effet qu’une collision est bien plus probable qu’une capture de la Lune par la Terre.

Surtout, cela permettait d’expliquer pourquoi la composition chimique moyenne de la Lune était étonnamment proche de celle de la Terre alors qu’elle ne devait pas l’être : elle aurait dû se former dans une autre région du Système solaire et, à partir de petits corps célestes, eux-aussi marqués par des différences — bien qu’ils aient des points communs puisqu’ils sont issus de la même nébuleuse primitive que le Soleil. On peut constater ces points communs en comparant les abondances de certains éléments dans les météorites, la Terre et l’atmosphère solaire.

Collision géante planètes

Une vue d’artiste d’une collision géante entre deux exoplanètes (Source : NASA/JPL-Caltech).

Cette hypothèse n’eut pas vraiment d’écho dans la communauté scientifique jusqu’à ce qu’une conférence se tienne en 1984 à Hawaï sur l’origine de la Lune. Celle-ci donna lieu à la publication d’un livre en 1986 qui est devenu depuis une référence sur ce sujet. Dès lors, l’hypothèse de l’impact géant est devenue standard et de nombreuses simulations numériques à son sujet ont vu le jour, notamment celle de Robin Canup dans les années 1990.

Or, depuis 1995, dans le monde des exoplanètes, il existe maintenant un va-et-vient entre les théories et les observations concernant la formation du Système solaire, et celles des autres systèmes planétaires dans la Voie lactée. Les progrès dans ces deux domaines sont donc conjoints et l’on cherche également à déterminer à quel point notre Système solaire est typique, ou non, dans la Galaxie. Ceci aidera à préciser à quel point l’apparition et l’évolution de la Vie sur Terre sont un phénomène marginal ou pas. Ainsi, on sait que l’existence de la Lune a peut-être joué un rôle dans l’apparition de la Vie et surtout la stabilisation du climat de la Terre.

On peut donc se poser la question de savoir si des collisions entre l’équivalent de la proto-Terre et Théia sont fréquentes ou non. La publication d’un article dans Nature Astronomy est intéressante à ce sujet. Elle émane d’une équipe internationale de chercheurs, notamment membres du Département d’Astrophysique-Laboratoire AIM du CEA irfu mais aussi de bien d’autres instituts prestigieux en Italie, Suisse etc.

Les astronomes ont combiné plusieurs observations, provenant d’instruments comme le satellite Kepler de la Nasa et le télescope italien Telescopio Nazionale Galileo, situé à l’Observatoire Roque de los Muchachos (Iles Canaries), pour caractériser plus précisément les exoplanètes découvertes autour de l’étoile Kepler 107 dans la constellation du Cygne. Il s’agit d’une étoile de type G2, comme notre Soleil et d’un âge comparable (M = 1,2 Msol, R = 1,4 Rsol).

Kepler a repéré 4 exoplanètes en orbite autour de Kepler 107 par la méthode des transits. Mais elles sont dans une configuration particulière avec des résonances orbitales de sorte que la méthode des variations des temps de transit, alias TTV, ne permet pas d’estimer leurs masses alors que l’on peut estimer leurs rayons. C’est pourquoi le télescope italien a été utilisé pour mettre en pratique la méthode des vitesses radiales. Les données de Kepler concernant l’astérosismologie ont permis de préciser notre connaissance de la masse et de la densité de Kepler 107. Au final, masses et rayons des exoplanètes ont pu être déterminées avec une précision suffisante pour tirer des conclusions étonnantes concernant leurs densités.

En effet, les deux exoplanètes les plus proches de l’étoile qui sont, dans l’ordre d’éloignement, Kepler-107b et Kepler-107c, ont des rayons peu différents (environ 1,5 à 1,6 rayon terrestre), mais Kepler-107c (une densité d’environ 12,6 g cm-3, soit plus de deux fois celle de la Terre) est plus de deux fois plus dense que Kepler-107b (environ 5,3 g cm−3). Pour les planétologues, cela ne peut vouloir dire qu’une chose, Kepler-107c a un noyau métallique très important et un manteau en silicate de faible épaisseur, plus que dans le cas de Kepler-107b.

L’existence de planètes aussi denses pourrait s’expliquer en faisant intervenir la théorie de la photo-évaporation par rayonnement X et ultraviolet d’une minineptune ayant perdu son atmosphère après avoir migré trop près de son étoile hôte. Sauf que les scénarios de cette sorte prédisent que Kepler-107 b devrait être plus dense que Kepler-107 c. Selon les chercheurs, il ne resterait alors, en lice, que le scénario d’une collision géante similaire entre celle de la Terre et de Théia.

En effet, un tel choc entre deux planètes massives, et donc différenciées, peut conduire à la fusion des noyaux métalliques et à l’éjection d’une part importante de manteaux silicatés. Des simulations numériques conduisent d’ailleurs naturellement à la naissance de Kepler-107 b et Kepler-107 c, selon ce scénario et avec leurs caractéristiques observées.

C’est la première fois que l’on confirme que ce qui s’est passé pour la Terre et la Lune, dans le Système solaire, peut se produire ailleurs. Un résultat, évidemment, le bienvenu pour les exobiologistes.

Source : Futura-Sciences

Vous pouvez consulter, sur le site d’Archipel des Sciences, les expositions « Promenade spatiale au fil des ondes » et « La recherche de la vie dans l’Univers« , ainsi que la page Astronomie/Physique.

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