Hubble aurait surpris les premières heures de l’explosion d’une supernova

À l’échelle d’une galaxie, une supernova est un événement rare et il faut donc surveiller un grand nombre de ces univers îles pour surprendre au cours d’une vie un grand nombre de ces explosions d’étoiles. Hubble en conjonction avec d’autres instruments a permis d’en surprendre une particulièrement tôt, juste après son début et d’en tirer des renseignements sur l’état de l’étoile génitrice des décennies auparavant.

Il y a un peu plus de quatre siècles, précisément le 24 octobre 1601 décédait l’astronome danois Tycho Brahe, auquel Jean-Pierre Luminet a consacré un roman dans sa saga Les Bâtisseurs du Ciel. Brahe fut le tout premier à comprendre que les supernovae devaient faire partie du royaume des étoiles même s’il n’avait aucun moyen de savoir de quoi il s’agissait vraiment. Il faudra attendre la découverte de la physique nucléaire et de la relativité générale et leur développement dans les années 1930 pour cela. Mais, en 1572, lorsque Tycho Brahe et ses contemporains découvrent ce qui semble être une étoile nouvelle dans la constellation de Cassiopée, plus brillante que Vénus et avec une magnitude apparente de -4, Brahe comprend rapidement que ce que nous appelons aujourd’hui SN 1572 (ou Nova de Tycho) doit se trouver plus loin de la Terre qu’une planète car pendant les mois où elle est restée visible, il ne constate aucun mouvement et aucune parallaxe sur la voûte céleste par rapport aux étoiles fixes, contrairement aux planètes.

Les héritiers de Brahe aujourd’hui observent de nombreuses supernovae extragalactiques et ils rêvent tous d’en voir une de leur vivant qui se produirait comme SN 1572 dans la Voie lactée, ce qui devrait arriver avant 2100. Outre la fascination que peut exercer un tel événement, à l’instar d’une éruption volcanique comme celle de La Palma, les astrophysiciens modernes savent bien que les supernovae sont associées à la naissance des éléments lourds dont sont composés notre corps et la Terre. Elles sont aussi associées à la naissance des étoiles à neutrons et des trous noirs, de sorte que l’on aimerait bien comprendre dans tous leurs détails ce qui se passe juste avant et pendant une explosion de supernovae.

SN 2020fqv
NGC 4567 et NGC 4568 (surnommé les Galaxies du papillon ou des Jumeaux siamois) sont un ensemble de galaxies spirales non barrées découvertes par William Herschel en 1784. Ils font partie de l’Amas de galaxies de la Vierge. SN 2020fqv, était visible dans NGC 4568. (Source : NASA/ESA/Ryan Foley/UC Santa Cruz/Joseph DePasquale/STScI)

Avec la supernova appelée SN 2020fqv, les astrophysiciens se sont retrouvés dans une situation rare mais précieuse comme on peut s’en convaincre en lisant un article publié dans Monthly Notices of the Royal Astronomical Society (MNRAS),disponible sur Arxiv, et fruit du travail d’une équipe internationale de chercheurs essentiellement états-uniens. « Nous avions l’habitude de parler du travail de supernova comme si nous étions des enquêteurs sur les scènes de crime, où nous nous présentions après coup et essayions de comprendre ce qui était arrivé à cette étoile. C’est une situation différente, car nous savons vraiment ce qui se passe et nous voyons réellement la mort en temps réel », a expliqué au sujet de SN 2020fqv Ryan Foley, de l’Université de Californie à Santa Cruz, le leader de l’équipe qui a fait cette découverte.

L’article concerne donc une étoile génitrice d’une supernova de type SN II qui existait dans l’une des galaxies spirales en interaction gravitationnelle de la paire NGC 4567/8. La supernova elle-même a été découverte en avril 2020 par la Zwicky Transient Facility de l’observatoire Palomar de San Diego, en Californie. Remarquablement, son étude a été rendue possible simultanément par le Transiting Exoplanet Survey Satellite (Tess) de la NASA, conçu principalement pour découvrir des exoplanètes, et par le télescope Hubble.

Une nouvelle caméra robotique capable de capturer des centaines de milliers d’étoiles et de galaxies en une seule photo fait partie d’un nouveau projet automatisé de relevé du ciel appelé Zwicky Transient Facility (ZTF), basé à l’observatoire Palomar de Caltech situé dans les montagnes près de San Diego.

On sait que lorsqu’une étoile de plus de 8 à 10 masses solaires est en fin de vie, elle expulse de la matière de ses couches supérieures en raison d’instabilités, ce qui va ensuite former ce que l’on appelle le matériau circumstellaire. Elle va ensuite exploser en supernova SN II et l’onde de choc de l’explosion va rejoindre rapidement la matière éjectée au loin des années ou des siècles auparavant, de sorte qu’elle va la chauffer et la faire briller. Un exemple spectaculaire de ce phénomène s’observe, par exemple des décennies plus tard, avec la supernova SN 1987.

Dans le cas de SN 2020fqv, les observations de Hubble semblent nous montrer l’impact de l’explosion sur la matière environnante émise par l’étoile alors que l’explosion a commencé seulement quelques heures auparavant. Non seulement les données collectées nous renseignent sur ce qui se passe au tout début de l’explosion mais aussi sur l’état de l’étoile juste avant, ce qui laisse penser que nous pourrions identifier des signaux précurseurs de l’explosion d’une étoile en SN II.

« Nous avons rarement l’occasion d’examiner le matériau circumstellaire très proche car il n’est visible que pendant très peu de temps, et nous ne commençons généralement à observer une supernova qu’au moins quelques jours après l’explosion », précise Samaporn Tinyanont, l’astrophysicien qui est le principal auteur de l’article publié dans MNRAS.

NGC 4567 et NGC 4568 (surnommé les Galaxies du papillon ou des Jumeaux siamois) sont un ensemble de galaxies spirales non barrées découvertes par William Herschel en 1784. La paire fait partie de l’amas de galaxies de la Vierge. SN 2020fqv, était visible dans NGC 4568. (Source : NASA/ESA/Ryan Foley/UC Santa Cruz/Joseph DePasquale/STScI)

Les chercheurs sont allés fouiller également dans les archives des observations de Hubble concernant l’étoile génitrice de la supernova remontant aux années 1990 et comme Tess a fourni une image du phénomène toutes les 30 minutes en commençant plusieurs jours avant l’explosion, en passant par l’explosion elle-même, et en continuant pendant plusieurs semaines, c’est finalement sur plusieurs décades que l’on dispose maintenant d’informations utilisables pour tenter de prédire l’occurrence des supernovae.

Tinyanont et Foley ont appelé SN 2020fqv « la pierre de Rosette des supernovae », car tout comme la pierre de Rosette avec un même texte inscrit dans trois écritures différentes a permis de percer les secrets des hiéroglyphes égyptiens, les astrophysiciens ont pénétré plus profondément dans le monde des supernovae en utilisant trois méthodes différentes fournies pas les télescopes pour déterminer la masse de l’étoile qui a explosé. Elles sont toutes concordantes et cela aide à valider non seulement ces méthodes mais aussi nos modèles de la structure et de l’évolution des étoiles. SN 2020fqv est ainsi née d’un astre contenant environ 14 à 15 masses solaires. C’est ce que l’on peut déduire notamment de la quantité de noyaux d’oxygène dans les débris de SN 2020fqv.

Tinyanont  explique également que « c’est la première fois que nous avons pu vérifier la masse avec ces trois méthodes différentes pour une supernova… Maintenant, nous pouvons aller de l’avant en utilisant ces différentes méthodes et en les combinant, car il y a beaucoup d’autres supernovae où nous avons des masses fournies par une méthode mais pas par une autre ».

Source : Futura-Sciences

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